La chapelle Saint Laurent de Calédar a disparu à la suite de la Révolution. Celle du Logou, au-dessus de l'Étang-Neuf en Saint-Connan, a été conservée et est fort bien entretenue.
Ce
10 août 1769, Bertrand prend de bon matin la direction de
Calédar en la paroisse du Vieux-Bourg-de-Quintin. La veille a
eu
lieu la foire de ce village mais Bertrand n'y était pas. Il a
préféré attendre le jour même de la
fête de Saint Laurent pour participer au pardon du grand saint
et, agenouillé en sa chapelle, demander sa protection pour lui
et sa famille. Les groupes de pèlerins sont de plus en plus
nombreux sur le chemin. Passé Coldabry, chacun se demande s'il
va pouvoir franchir facilement le ruisseau de Villeneuve au
gué
de Kerantraou. C'est que l'été est bien orageux cette
année, donnant parfois de très violentes pluies. Mais
non, le gué se passe sans difficulté ; les enfants
partis
en avant-garde en reviennent pour l'annoncer dans les cris et les
éclats de rire.
Le rythme ralentit
maintenant que l'on
approche de la chapelle de Saint Laurent ; du fond de la
vallée,
le chemin s'élève de trois cents pieds sur moins d'un
quart de lieue. Tout en gravissant la pente, Bertrand pense à
la
procession de cet après-midi. Il espère bien porter
–
même si ce n'est que sur une courte distance – la
bannière
de Saint Laurent, cette grande bannière dorée
où,
sous une auréole éblouissante, le Saint tient
à la
main le gril à sept barreaux. Mais les gars du Vieux Bourg, et
de Calédar en particulier, accepteront-ils de lui
céder
leur place un court moment. Il faudra parlementer, savoir aussi parfois
parler plus fort que l'autre... Bertrand se dit qu'il fera
équipe avec ses cousins du Vieux Bourg, Yves et Corentin. Cela
facilitera peut-être les choses. Et puis, elle est
très
lourde cette bannière et offre une belle prise au vent...
Trois
c'est un minimum pour la maintenir bien droite.
... Yves et
Corentin
ont été d'adroits ambassadeurs. Ils ont
réussi
à faire admettre Bertrand dans le cercle envié des
porteurs. Bertrand porte maintenant fièrement la
précieuse bannière de Saint Laurent. Ses deux cousins
l'encadrent et tiennent de la main droite les cordelettes pourpres qui
en descendent. Tout à l'heure, ils vont se relayer. En
attendant, Bertrand lève les yeux : sous cet angle, la
bannière est encore plus impressionnante.
Le
chapelain va maintenant terminer son sermon de l'après-midi
mais
il réveille son auditoire assoupi sous la fatigue et la
chaleur
en s'enflammant soudain contre les gars du bourg de Saint-Connan :
cette fois encore, ils en sont venus aux mains pour prendre d'assaut la
bannière que ceux de Calédar leur refusaient.
À
l'appui de ses propos, il entame la lecture de la lettre que
l'évêque vient de publier :
« Désirant
corriger les abus et les scandales qui arrivent dans un grand nombre de
paroisses à l’occasion des bannières des
processions,
parce qu’elles sont trop grandes et trop pesantes,
[…], nous exhortons
Messieurs les Recteurs à les faire diminuer, si faire se peut,
et nous ordonnons que pour toutes celles qu’on fera faire
à
l’avenir, il en sera d’abord
présenté le projet au Sieur
Recteur de la paroisse, pour être approuvé de lui,
auquel
nous enjoignons de veiller […] à ce que les dites
Bannières soient faites, pour la hauteur, la grandeur et le
poids, de manière qu’une seule personne les puisse
porter
aisément, […] Nous exhortons en outre Mrs. les
Recteurs à
faire en sorte qu’il soit nommé dans Chaque Eglise
Des personnes
Désignées pour porter les Bannières pendant
le
Courant de l’Année, afin d’éviter
par là les
Disputes et Querelles qui n’arrivent que trop souvent
à ce Sujet. »
(A. D.
Côtes-d'Armor, H 167 - Actes du Synode du diocèse de
Tréguier de 1769)
Les
langues vont bon train sur le chemin du retour : la lettre de
l'évêque alimente les conversations. Mais il faut
presser
le pas car l'orage monte, de gros nuages noirs envahissent le ciel
au-dessus de Lescanic. Bertrand vient de passer Saint-Connan lorsque
des trombes d'eau s'abattent sur lui et ses compagnons.
Le
temps
demeure aussi lourd et menaçant les jours suivants. Le 15
août, les ruisseaux et rivières sont tellement
gonflés que plusieurs moulins en souffrent, tel celui du
Trieux
en Kerpert comme l'indique l'état des lieux établi en
mars de l'année suivante :
« Il
y avait cy
devant à la décharge de l’étang
qui est au bout de
la chaussée du côté du midy une vanne pour
lacher
l’eau du trop plein mais elle fut emportée
à ce que nous
a affirmé le meunier, le 15 août de
l’année
dernière par le grand débordement des eaux qui
passèrent jusque par-dessus la chaussée et qui
pensèrent détruire entièrement le moulin.
»
(A. D. Côtes-d'Armor, H 304)