Pièce
de monnaie de 12 deniers à l'effigie de Louis XVI roi des
François frappée à Rouen en 1792.
Ce
type de pièce, en cuivre ou métal de cloche, resta en
circulation jusqu'en 1856.
La
Révolution gronde. Au Foeil comme dans les paroisses voisines,
on rédige dans l'enthousiasme les cahiers de
doléances.
Les députés les porteront au roi à
Versailles : il
se rendra compte de la véritable situation de son peuple et
fera
effectuer les réformes qui conviennent. Peu à peu,
dans
tout le pays, s'est en effet imposée la
nécessité
d’instaurer une société plus respectueuse
de la
liberté et de l’égalité entre les
individus.
Avec
tout le peuple des paysans et des artisans du pays de Quintin, Claude
Fol, notre ancêtre, nourrit ce grand espoir. Il est vrai
qu'à cette époque, parmi bien d'autres
difficultés, de nombreux impôts accablent le petit
peuple
: capitation, fouage ordinaire, fouage extraordinaire,
vingtième, dixième et prémices, champart...
Ce
8 août 1789, Claude Fol, en route pour la foire, trouve
à
son arrivée à Quintin la place du Martray encore plus
animée qu'à l'ordinaire. Des exclamations, des rires,
des
cris de joie fusent des groupes qui conversent bruyamment. Claude
s'approche : Toussaint Duval, l'un des marchands de la Grand-rue, lit
à haute voix la gazette arrivée la veille de Paris
par la
malle-poste :
« Devant les
députés des
trois ordres réunis à Versailles, le duc d'Aiguillon
est
intervenu : Un scrupule me vient : nous nous apprêtons
à
condamner ceux qui attaquent les châteaux. Mais je me demande
si
ces hommes sont bien coupables, eux qui sont soumis au reste barbare
des lois féodales. Je propose d'établir cette
égalité de droits qui doit exister entre les hommes.
—
Et alors, demande quelqu'un d'une voix incrédule ?
—
Écoutez la suite : Les députés, dans la nuit
du 4
août, ont adopté à l'unanimité
l'abolition
des privilèges. La noblesse, le clergé, les
provinces,
les villes, tous ont renoncé à leurs
privilèges.
En fin de séance, le roi a été
proclamé
restaurateur de la liberté française.
—
Alors, adieu la dîme ?
— Mais oui, adieu la
dîme, adieu les corvées, adieu le champart, adieu le
four et le moulin ! »
On crie, on applaudit, on
hurle de joie. Certains se dirigent vers le cabaret tout proche.
Claude
préfère se diriger vers la rue du Four où
son
cousin Jean Le Fol tient débit de cidre. Il s'engage dans la
Grand-rue. Un colporteur y propose ses chansons. Claude, se joignant
aux autres passants, s'arrête pour l'écouter :
«
Enfants d'un vrai peuple de frères
Gouverné
par les mêmes lois,
Sous l'empire heureux des
lumières
Jouissez tous des mêmes droits :
Non,
la liberté n'est qu'un piège.
Par l'avare
orgueil apprêté,
Tant que le mot de
privilège
Blesse la sainte
égalité. »
(Histoire
chantée de la 1ère République. 1789-1799.
Louis
Damade, Paris, 1892. Sur l'air de la Marseillaise)
Claude
n'achète pas le feuillet du colporteur, il ne sait pas lire.
Mais au retour de la foire, des bribes lui reviennent sans cesse
à l'esprit : un vrai peuple de frères...
Jouissez tous des mêmes droits... sainte
égalité. Il fredonne malgré lui
cet air guerrier qu'il a mémorisé et qui
entraîne sa marche.
Le
19 avril 1790, la municipalité du Foeil fait établir
la
liste des citoyens. Claude Fol y figure comme citoyen actif mais non
éligible. (A.D. Côtes-d'Armor, 1L394) Ces citoyens
actifs
sont ceux qui payent plus de trois jours de travail d'impôt.
Il
n'y en a que quatre millions en France (sur vingt-six millions
d'habitants) ; c'est à eux que la constitution
adoptée le 3 septembre 1791 réservera le droit de
vote.
La
période est bien troublée : le 20 nivose an III (9
janvier 1795), les Chouans investissent Boquého,
pénètrent chez François Fol, le notaire, et
y
commettent quelques larcins. La même année, ils
dévastent le bourg de Cohiniac. Le 8 prairial (27 mai 1795),
Jean Le Roy, un laboureur de Boquého âgé de
21 ans,
est écroué à la prison de Saint-Brieuc pour
avoir
porté la cocarde blanche symbole de la royauté. (A.D.
Côtes-d'Armor, 1L882) Quelques jours plus tard, le 4 juin,
François Moro de Cohiniac est lui aussi emprisonné.
En
exécution de la loi du 10 vendemiaire de l'an IV, on
procède dans les mois qui suivent au recensement de
la
population de chaque commune. Celui de Cohiniac est daté du 30
floréal de la même année (19 mai 1796).
C'est dans
cette commune de Cohiniac que nous retrouvons Claude Fol, notre
ancêtre « voyageur »,
après l'avoir
suivi depuis Senven-Léhart (où il était
né
en 1744) jusqu'au Foeil, puis à Plaine-Haute et au Foeil
à nouveau.
C'est plus
précisément au
village de la Ville Auvé que Claude Fol et sa famille habitent
à cette époque. Le recensement nous fournit la liste
de
sa maisonnée :
Claude
Fols
homme 52
ans
cultivateur La Ville
Auvé
Marie
Morvant femme
54 ans
ménagère La
Ville Auvé
Jean
Fols
garçon
16 ans
laboureur La Ville
Auvé
Anne Fols
fille 15
ans
fillandière La Ville
Auvé
Jean Pervos
homme 65
ans tisserand
La Ville Auvé
Marie
Morvant fille
32 ans
fillandière La Ville
Auvé
(A.D. Côtes-d'Armor, 1L583)
Ce
Jean Pervos (prononciation gallo de Provost) est très
certainement le père de Françoise Le Provost la
première femme de Claude Fol. Le document lui attribue le
métier de tisserand. Quant à la dernière
personne
de la liste, Marie Morvant, elle est fille c'est à dire
célibataire. Nous ne savons pas si elle est
apparentée
à la femme de Claude Fol.
Les
réquisitions se font
de plus en plus nombreuses. Le 27 ventose an IV (17 mars 1796), le
canton de Plouvara — dont fait partie Cohiniac —
doit effectuer une
levée de chevaux (un sur 30). À peine
installé
à la Ville Auvé, Claude Fol reçoit la visite
de
Joseph Allichon fils qui a été
désigné pour
procéder à leur dénombrement. (A.D.
Côtes-d'Armor, 75L1) Le10 prairial de la même
année
( 29 mai 1796), le canton doit fournir deux bêtes à
cornes
par commune pour la nourriture des troupes cantonnées
à
Port-Brieuc (nom révolutionnaire de Saint-Brieuc).
L'insécurité
elle aussi va croissant : le 20 fructidor ( 6 septembre), les
administrateurs du canton de Plouvara demandent à
l'administration départementale des fusils et munitions pour
se
défendre contre « les bêtes
féroces et
les voleurs, les loups qui ont égorgé
différents
bestiaux, les chiens enragés ».
Un autre courrier demande cent fusils pour se défendre
« des vols et des pillages commis presque
journellement ». (A.D. Côtes-d'Armor,
75L4)
Le
dimanche 21 octobre 1798, en pleine jeunesse, Anne Fol meurt à
la Ville Auvé : elle a 18 ans. Son père Claude et son
grand-père Jean Le Provost sont nommés dans l'acte de
décès et de sépulture ainsi que Sylvestre
Monjaret, un voisin de la Ville Auvé. Des quatre enfants de
Claude, un seul survit donc : c'est notre ancêtre Jean Louis.
Mais
Claude doit attendre un peu plus de deux ans pour avoir le bonheur de
voir son fils se marier. Le 8 pluviose an IX (mercredi 28 janvier 1801)
au Foeil, Jean Louis Fol épouse Jeanne Mathurine
Théfo, fille de Charles Marie Théfo et de Magdeleine
Beloeil. Il a 21 ans et elle 23. L'acte de mariage précise que
Jean Louis Fol est fils de Claude Fol demeurant à
Cohiniac et de défunte Françoise Le Provost.
Claude Fol est donc toujours vivant à cette date mais
curieusement son nom n'apparaît pas dans la liste des
témoins : Charles Théfo, 62 ans, père de la
mariée de Linglorec, François Reux et Pierre Bannois,
les
deux de La Micaudière et Jean Le Provost. Tous sont
cultivateurs au Foeil. Jean Le Provost est le grand-père
maternel du jeune marié.
Pour quelle raison Claude
Fol, qui a
alors 56 ans, n'est-il pas présent au mariage de son fils ?
Est-ce son état de santé qui l'en empêche ?
Nous
n'avons pas actuellement de réponse à cette question.
Mais, bien que nous n'ayons pas découvert son acte de
décès, nous pouvons penser que Claude Fol meurt en
1801
ou au début de1802 à environ 58 ans.
La
mort
continue de frapper cette même année : Le 24 mai,
Jeanne
Madeleine, le premier enfant de Jean Louis, meurt à moins d'un
an. Le 21 septembre, c'est Jeanne Mathurine Théfo, son
épouse qui décède à l'âge
de 24 ans.
Le 27 frimaire an XI (18 décembre 1802), Jean Le Provost meurt
à la Ville Auvé.